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7eme Chance

Luc Semal : "L'effondrement ne devrait pas être l'alpha et l'oméga de l'écologie politique"

24 Août 2019 Publié dans #Collapsologie, #Décroissance, #Economie, #Effondrement, #Media, #Psychologie, #Résilience

En parallèle des études sur l'évolution du climat, il n'est pas inintéressant de réfléchir sur la société et sur ses évolutions à venir.

Extrait : 

"Tout le monde s'interroge sur la marge de manœuvre politique qu'il nous reste. Qu'en pensez-vous ?

Je ne pense pas que, par une sorte de vertu spontanée, les sociétés industrielles vont soudain se soucier du long terme et choisir la décroissance. Mais si la perspective catastrophiste gagne en consistance aujourd'hui, c'est parce qu'il est de plus en plus difficile de faire abstraction des contraintes écologiques : les canicules qui se répètent, les difficultés d’accès à l’énergie, l’assèchement du développement durable… Ce sont autant d’indices allant en ce sens. Ce qu’on peut espérer, c’est une dialectique entre d'une part une situation écologique qui se dégrade et, d'autre part, des sociétés qui prennent progressivement acte que nous changeons d’époque. La marge de manœuvre dont on dispose, c’est d’essayer d’inventer des réponses solidaires et démocratiques à cette situation. Et là, l'un des gros enjeux me semble être la concurrence des minorités actives qui s’efforcent de donner un sens à ce qui est en train de se passer. C’est une bataille d’interprétations ou une lutte des récits, un conflit de cadrage, entre des grilles de lecture totalement opposées les unes aux autres. Les extrêmes droites expliquent que dans ce nouveau monde, il faut d’abord penser à soi, fermer les frontières et défendre notre mode de vie. Les écologistes, eux, avancent au contraire qu’il faut sortir en aussi bon ordre que possible de la civilisation thermo-industrielle, en tentant de mieux partager les ressources restantes et les efforts de sobriété.

Vous concluez votre livre avec cette mise en garde : « Il faut désormais contrebalancer les effets potentiellement très déstructurants de la logique sociale de désillusion qui nourrit le catastrophisme actuel. » Comment éviter qu'au moment où nous nous rendons compte de notre échec collectif à empêcher le pire, celui-ci ne se transforme en conflit stérile ?

Il ne s'agit pas d'un échec absolu, le pire n’est pas certain. C’est pour cela que le catastrophisme n’est pas un pur fatalisme. Il laisse de la place pour l’engagement, pour la lutte politique. Certes, les aspirations à enrayer le réchauffement global en-deçà du seuil des 2°C perdent rapidement en pertinence et en crédibilité. Mais ce n'est pas parce qu'on a peut-être déjà échoué dans cet objectif qu'il faut s'arrêter de se battre. Certains seuils d’irréversibilité sont passés – ou sont en passe de l’être –, mais d'autres ne le sont pas encore, et c’est là qu’il y a des espaces de lutte. Le problème, c'est que l'échec est déjà important et qu'il y a quelque chose de très violent dans ce qui est en train de se jouer car la possibilité de se projeter vers l'avenir avec un minimum de confiance est un élément fondamental de la liberté humaine. Ce qui est poignant dans les grèves scolaires pour le climat, c'est qu'on voit émerger des jeunes générations qui deviennent conscientes qu'elles vont payer cher pendant leur vie car elles vont hériter d'une situation dont elles ne sont pas les premières responsables : c'est ça l'effet déstructurant dont je parle. Cela génère de l'angoisse et de la colère. Si les enfants et les lycéens s'emparent de cette question, c'est parce que les adultes ne le font pas.

Qu'est-ce qu'on peut faire ? 

Il faut en finir avec les discours faussement rassurants, être lucides et francs sur le diagnostic, sans être tétanisés par la question de l’effondrement, et reposer très clairement la question de la décroissance. Parler des problèmes ouvertement est la condition nécessaire pour faire émerger des réponses démocratiques au problème majeur du XXIe siècle, qui est la sortie en bon ordre – ou pas – de la civilisation thermo-industrielle."

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